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Écrit par Fred   
Dimanche, 06 Juin 2010 21:42

Bien que ce texte ne soit pas directement lié à l'histoire de Saugnac et Cambran, il nous a paru intéressant de vous le proposer. Il donne en effet une idée des conditions dans lesquelles vivaient nos aïeux au XVIIème siècle.

Nous avons tenu à respecter le texte originel avec les expressions et les mots de cette époque. L'orthographe elle-même a été fidèlement reproduite.


Si vous souhaitez accéder directement au passage relatif à Balthazar, cliquez ici.


RELATION VÉRITABLE

 

Des choses les plus mémorables passées en la Basse-Guienne depuis le siége de Fontarabie, qui fut en l’an 1638, et particulièrement des désordres et troubles arrivés aux siéges de Saint-Sever, Tartas, Ax ou Dax depuis ledit jour.

 

Par Henry de Laborde Péboué de Doazit

 

 

Le 15 juin 1638, M. le prince de Conti fesait descendre ses armées pour aller assiéger Fontarabie. Le régiment de Tournay passa à Doazit et y font de grands ravages en passant, et logèrent à Larbey et à Caupenne. Ces gens violèrent femmes et filles et maltraitèrent et attachèrent plusieurs personnes, et prenant ce qu'ils trouvaient dans leurs maisons. Alors la barrique de vin valait 18 livres et dans deux mois valut 30 liv.

Le siège se posa à Fontarabie le 26 de juin, et y demeura trois mois, à cause d'une continuelle pluie et le grand secours qu'à l'ennemi donna. M. le Prince et M. Labalette, fils à M. d'Epernon, furent contraints de lever le siège et se retirer. Et en retournant, les cavaliers de M. d'Epernon demeurèrent à Doazit dix-huit jours et y firent de grands dommages, car il fallait faire tous les jours cotises pour les nourrir.

Le roy ce France était pour lors conseillé par M. le Cardinal de Richelieu qui étoit un fort bon esprit. En ladite année 1638 il y eut assez de vin ; il se vendait pour la Toussaint à 16 liv. la barrique ; mesure froment à 14 s.; blé à 18 s. ; mais la pluie continua jusqu'au 15 de décembre dudit an, ce qui fut cause que à peine pouvait-on semer le froment, mais Dieu permit qu'il fit beau temps et qu'il y eut assez de froment en l'année 1639.

 

En ladite année 1639, le temps était si fort et si chaud que les raisins se brûlèrent par les vignes; la barrique de vin se vendait au mois d'août 24 liv. Il y demeura grande quantité de vin vieux, mais il y en eut fort peu de nouveau en cette année 1639. La barrique de vin se vendait du commencement à 24 liv., et à Noël la barrique de vin valait 30 liv. ; tout le monde criait la rareté du vin. La mesure de froment se vendait 20 s., mesure blé à 15 s.

Au commencement de l’an 1640 il y eut bien des cris d'argent, et c'est à cause qu'une partie de l'argent se trouva rogné. Il y eut plusieurs personnes d'accusées, et à Pau furent accusés un prêtre et un orfèvre. On commença alors à peser l'or et l'argent, et continua longtemps.

Au mois d'août 1640 la barrique de vin valait 44 liv., et mesure de froment 20 s., mesure de blé 15 s.; il n'y avait alors d'argent qu'en pièces d'Espagne, et le tout se pesait. En cette année 1640 il y avait eu assez de froment mais il y eut peu de millet à cause du débordement des rivières qui les gâta, ce qui fut cause qu'il devint cher, car mesure de froment valait à Saint-Martin 25 s., mesure de blé 20 s. en l'an 1640 il y eut assez de vin et se vendait la première barrique à 27 liv. et après, au mois d'avril de l’an 1641, il s'en trouva à 25 liv. Mesure de froment à 30s., mesure de blé valait alors 24s.

Le 19 avril 1641 il y eut une grande gelée qui fit un grand dommage aux vins, mais il n'y eut pas autant de mal qu'on le croyait.

Au mois de mai 1641, le grain haussa, car mesure de froment valait 40s., et mesure blé 31s. Mais, par la grâce de Dieu, ça ne dura que 15 jours, et se retourna peu à peu. Au mois d'août 1641, la barrique de vin ne valait que 15 liv. et mesure de froment 22. Mais en septembre, mesure froment valait 32 s. mesure blé 27 s.

La vendange de l'an 1641 il y eut assez de vin et en y demeura grande quantité du vieux. Il y eut assez de millet en Chalosse, mais en la Lande il y en eut que fort peu. Mesure de blé valait à Saint-Sever 20 s. le 19 octobre, mais personne n'achetait point de vin.

 

Au commencement de l’an 1642, la barrique de vin valait 12 liv., mesure de blé de Saint-Sever à 18 s., et à l’avril 1642, la barrique de vin ne valait que 10 liv. ; et en juillet 1642 barrique de vin valait 12 liv. ; mesure de froment à 38 s., mesure de blé à 23 s. Pour lors fit une longue pluie qu’on ne put y semer le millet, car il dura longtemps qu’il pleuvait toujours sans en passer un seul jour.

En septembre 1642, la barrique de vin de vendange 15 liv. et l’on fit une grande quantité de vin sur le pays, qui fut cause que le vin se vendit tout.

Cette année il y eut fort peu de millet, qui fut cause que le vin haussa un peu ; mais il y eut bien assez de vin. A St-Martin 1642 mesure de froment à 32 s., mesure blé 23 s., mesure millet 18 s., barrique de vin 15 liv. mais il n’y eut point du tout du vin qui fut cause qu’il n’y avait point d’argent sur le pays de Chalosse.

En ce temps, M. le cardinal Richelieu mourut, ce qui fut cause que la France souffrit de grands maux.

En janvier 1643, mesure de froment valait 35 s., mesure de blé 25 s., mesure de millet 23 s. ; et si passa grandes famines, car barrique de vin ne valait que 10 liv., et personne n’en achetait aucune pièce.

En février 1643, il y eut un grand débordement des rivières qui emporta tous les ponts de Bayonne et fit grand domage. En ce temps, un marchand bladier de campagne qui venait du marché de Montaut, fut tué par des gens inconnus qu’on a jamais su trouver. Mesure de blé valait pour lors 38 s.

En mars 1643, mesure de blé valait 20 s. à Saint-Sever, la barrique de vin à 13 livres. Sur la fin dudit mars, mesure de blé valait à Saint-Sever 37 s. ; barrique de vin 14 liv. et il y avait déjà grande pauvreté dans le pays, car en la moitié des maisons il n’y avait point de pain, et en mai 1643, mesure de froment valait 3 liv., mesure de blé 45 s. et si passait déjà grand faim.

En ce temps là le roi Louis XIII mourut et Louis XIV succéda, qui était fort jeune. En juin 1643, la mesure blé valut déjà 24 s., et la barrique de vin à 16 liv., et en juillet 1643 barrique de vin valut 22 liv., mesure de blé 27 s. Pour lors, le millet était fort beau par les champs et y avait eu assez de froment. A la fin d'août 1643, mesure de froment valait 35 s., mesure blé 32 s., barrique de vin à 16 liv.

Sur la fin d'août on refusa les doubles, et personne n'en voulait aucun que pour deniers.

On parla de rabaisser l'argent, qui fut cause que mesure de froment valut 45s. et mesure de blé 40 ; mais, par la grâce de Dieu ne dura guères.

Au commencement du mois d'octobre 1643, la barrique de vin valait 20 liv., mesure de froment 38 s. mesure de blé 32, et y avait assez de millet qui valait 20 s. Il n'y demeura que fort peu de vin vieux, en n'en y eut que fort peu du nouveau, tellement qu'on criait la rareté du vin.

En ce temps, M. de Labalette retourna en son gouvernement, lequel avait demeuré depuis le siège de Fontarabie, à cause qu'il avait été accusé de trahison audit siège. En novembre 1643, la barrique de vin valait 24 liv., mesure de froment 48 s., mesure de blé 40 s. En décembre 1643, la barrique de vin valait 28 liv.

En ce temps, l'on parla grandement de faire mourir les sorciers, et arriva un commissaire en Chalosse qui en fit mettre grande quantité en prison, mais ce fut une grande affronterie qu'il n'en mourut pas aucun.

En ce temps, on tourna aussi parler de rabaisser l’argent, ce qui fut cause que le vin et le grain haussa un peu. En janvier 1644, barrique de vin valait 30 liv., mesure de fro­ment 58 s., mesure de blé 50 s., mesure de millet 38 s. En février 1644 la barrique vin valait 27 liv., mesure de froment à 46 s., mesure de blé à 35 s., mesure de millet à 28 s.; mais l'argent ne rabaissa point.

A l'avril 1644 il fit forte grêle qui emporta une partie du vin en Doazit. Au 1er juin 1644, mesure de froment 3 liv. 5 s., mesure de blé 52 s, mesure de millet 45 s. et s'y passait de la grande faim ; mais il s'y trouvait du grain à vendre avec argent.

 

En l'an 1644, il y eut assez de froment, grâces à Dieu; il se vendait du commencement à 40 s. la mesure, et bientôt après valut 45 s. la mesure, et mesure blé 40 s. En ce temps le millet était fort beau par les champs.

Le 29 de juillet 1644, fit grandement grêle pour tout Doazit qui emporta quasi tout le vin en Doazit et en quelque autre lieux. Alors barrique de vin valait 12 liv. et ne s'en vendit plus de toute cette année.

En l'an 1644, il y eut assez de vin et tout à fait grandes vendanges, c'est à dire où il n'y avait point grelé. Mesure de froment valait 40 s., mesure de blé 36 s.; il y eut assez de millet. En octobre 1644, mesure de millet valait 20 s., et en novembre 1644 mesure de froment valait 32 s , mesure de blé 30 s., la barrique vin à 16 liv.

En mars 1645, barrique de vin ne valait que 12 liv., mesure de froment 30 s., mesure de blé 24 s., mesure de millet 16 s. Le temps était fort beau et personne n'achetait point de vin et n'y avait point de vin en Chalosse.

En avril 1645, mesure de froment à 24 s., mesure de blé 17 s., mesure millet 14 s., barrique de vin 16 liv. et le froment était fort beau par les champs.

En juillet 1645, mesure de froment à 20 s., mesure de blé à 15 s., barrique de vin 14 liv. et fesait beau temps. Les vins étaient fort beaux; la bouteille du vin valait 45 s., et y eut assez de froment.

A la vendange 1645 il y eut grande abondance du vin et n'y demeura point de vin vieux. Le bois de barrique se vendait à 4 liv. 10 s., et le vin vieux valait 20 liv., mesure de froment 24 s., mesure de blé 18 s. Personne n'achetait point du vin nouveau ; en Chalosse, n'avait point d'argent que fort rarement et n'y eut que peu de millet.

En mars 1646, la barrique du vin ne balait que 8 liv. mesure froment 23 s., mesure de blé 15 s., mesure de millet 13 s. et fesait pour lors fort bon vivre.

En mai 1646, barrique du vin ne valait que 7 liv. 10 s., froment. 24 s., mesure de. blé 14 s. Cette année 1646 fit de grandes chaleurs jusqu'à sécher les fontaines.

Au mois d'août la barrique de vin valait 10 liv.; il y eut assez de froment et, se vendait à 29. s. la mesure, mesure de blé à 15 s., mesure de millet 12 s.

En septembre 1646, il plut fort toute la vendange, tellement qu'il fit fort mal amasser le vin et le millet; il n'y eut que peu de millet et était fort mauvais ; il y eut assez de vin. Le bois de barrique valait 4 liv., mesure de froment 24 s., barrique de vin 14 liv.

Au premier février 1647, la barrique vin 12 liv. et ne fesait aucun froid de ce mois. Mesure de froment à 24 s. mais il se changea en peu de temps. Le 21 de février 1647, il fit un grand et si gros vent, qu'il rompit et dérassina grande quantité et grand nombre d'arbres et maisons et fit tomber grande quantité de chênes par tout le pays, et même à Luguespin plus de vingt mille chênes et hays (hêtres), et le pin de Saint-Cricq se rompit qui était le plus grand de la France ; plusieurs églises tombèrent par terre et même le clocher du Mus tomba. Les ponts de Bayonne se rompirent ; plusieurs personnes et bateaux se noyèrent sur les grandes rivières, tellement que l’on ne saurait dire ni croire le grand dommage qu'il fit, et personne n'en avait jamais vu un si grand et fit aussi de grands dommages et bareys aux églises et maisons et bétail. Plusieurs personnes moururent et l'église du Bizoc tomba aussi.

Toute cette année 1647, la barrique du vin valut 12 liv. jusqu'à la Saint-Jean, mais après la Saint-Jean le vin se pourrit presque partout, tellement que la barrique de bon vin valait, au 15 août 1647, 24 liv. Il y eut assez de froment ; il se vendait au commencement 22 s., mais il fit une grande sécheresse tant que le millet était quasi mort par les champs, ce qui fut cause qu'au 20 août 1647, mesure de froment valait 25 s., mesure de blé 20 s., le bon vin se vendit tout. Le bois de barrique se vendait 40s. ; il avait grande abondance de bois à vendre, à cause que ledit vent avait mis les chênes par terre et à la fin du mois d'août 1647 la barrique de vin valut 30 liv.

Mais la première semaine de septembre 1647 il fit grand chaud qui brûla grande partie des raisins par les bygnes. Audit an 1647, il y eut assez de vin ; il se vendait du commencement à 15 liv. rendu à Mugron, mesure de froment 27 s., mesure de blé 20 s., mesure de millet 15 s.

En janvier 1648, la barrique du vin valait 12 liv., mesure de froment 28 s. Pour lors, il s’y fesait grandes accusations de faux monoyeurs en Chalosse, et entr’autres M. Laconture de Cerresloux fut accusé et pris prisonnier, et y demeura deux mois, et après il fut trouvé innocent et remis en liberté, et Pontenx de Souslens fut pendu.

En mars 1648, la barrique de vin à 13 liv., mesure de froment à 30 s.; et en juin 1648, la barrique de vin à 18 liv., mesure de froment à 27 s., mesure de blé à 21 s. ; il demeura jusqu'en septembre au même prix. Audit an 1648, il n'y eut pas fort vin ; le bois de barrique de vin à 40 s. En décembre 1648, la barrique de vin valait 14 liv., mesure de froment 28 s., mesure de blé 20 s., mesure de millet 15 s.

En février 1649, mesure de froment à 28 s., mesure de blé 22 s. et la barrique de vin se vendait à 18 liv. Pour lors à Paris y avait un grand bruit entre le Roi et le Parlement, mais en juillet 1649, le Roi et le Parlement se sont accordés. Mais pour lors M. le duc d’Epernon et le Parlement de Bordeaux ont commencé un grand bruit qui a bien duré longtemps, et ceux de Bordeaux ont posé le siége a Libourne. Mais M. d’Epernon en fit mourir beaucoup de ceux de Bordeaux, et entr'autres y mourut M. de Chambre conducteur des Bordelais, et aussy y mourut des gens de M. d’Epernon quelques-uns.

Le 26 juin 1649, il fit un grand et gros chaud, tellement qu’il y mourut plusieurs personnes et bétail (en travaillant). Barrique de vin valait alors 22 livres, mesure de froment 28 s., mesure de blé 21 s. Bouteille (barrique bois) de vin 40 s. Ce fut alors que mon frère Raymond et moi fesions faire le chai derrière Labourdette. Cette année 1649, le millet se fit fort bien, mais la brume fit grand dommage aux vins, mais il demeura vendangé encore assez de vin, loué soit Dieu, et y avait eu aussi assez de froment. A l'août 1649, mesure de froment valait 30 s., mais il grela en plusieurs lieux qu'il n'y eut pas fort de vin, car, au 10 novembre 1648, barrique de vin valait 24 liv., mesure de froment 36 s., mesure de blé 25 s.

Au mois d'avril 1650, mesure de froment à 35 s., mesure de blé 22 s., la barrique de vin 24 liv. Au mois d'avril 1650, le régiment de Navailles passa à Montaut et en plusieurs paroisses de Chalosse, et alla demeurer à Dax et aux environs dans le siège de Dax un espace de 20 jours et firent de grands domages : ceux de Montaut furent contrains de quitter la paroisse. En mai 1650, il y avait à Doazit de grandes maladies et y mourut plusieurs personnes, mais grâces à Dieu ne dura pas longtemps. Audit an 1650, il y avait assez de froment ; il valait à l'août dudit an 1650 35 s. la mesure, et mesure de blé 24 s. ; barrique de vin 30 liv. En septembre 1650, la barrique de vin valait 33 liv., tout se vendit et y eut fort peu de vin nouveau, mais il y eut assez de millet au mois de septembre 1650. Lesdits Bordelais avaient encore grande guerre avec M. d'Epernon, et y mourut plusieurs personnes de toute part. Le désordre était si grand, que le roi Louis XIV, âgé de douze ans, fut contraint d’aller à Bordeaux en personne, pour faire la paix, et ledit M. d'Epernon ne fut pas depuis gouverneur de Guienne.

En janvier 1651, les princes sortirent de prison, car M. le cardinal Mazarin gouvernait pour lors le roy et les avait fait mettre en prison, et lorsque lesdits princes furent en liberté ledit Monseigneur Mazarin fut chassé de France ;  tout le monde désirait l'élargissement et la liberté desdits princes, il a bien causé de grands maux en France comme nous verrons ci-après. En février 1651, barrique de vin valait 24 liv. et au premier avril 1651 la barrique de vin valait 27 liv., mesure de froment valait 50 s., blé 42 s., à l'août. 1651, mesure de froment 42 s., barrique de vin 30 liv. Le 17 août 1651, le Gave d’Orthez devint fort grand et si haut qu'il passait par dessus le pont d'Orthez et rompit les murailles du dessus ledit pont et emporta plusieurs personnes et maisons et meubles et fruits, tellement que jamais homme vivant ne l’avait pas jamais vu si grand, ni qui eut fait un si grand dommage ; il emporta moulins, terres, arbres, tellement qu'il fit un incroyable dommage.

Un homme de Ste-Suzanne nommé Grassion du Capdan, m’a dit et assuré qu’il était à Orthez pour lors, et qu’il voyait que le Gave emportait 14 barriques de vin l’une après l’autre.

A la fin de l’août 1651, barrique de vin valait 35 liv. et n’en y demeura pas une seule barrique du vieux à vendre ; mais il y en eut bien assez du nouveau car bois de vin valait 55 s.; le temps était fort bel pour la saison. Il y eut aussi assez du millet, qui valait, au premier d’octobre 4651, à 20 s. la mesure, et mesure de froment 40 s. La vendange était faite au commencement de septembre mais personne n'achetait point de vin à aucun prix, à la fin d'août 1651. C'était que pour lors on commença à parler qu'il y avait dispute et grande guerre entre le roi de France et M. le Prince ; M. ledit Prince arriva pour lors à Bordeaux pour être reçu gouverneur de la Guienne. Le roi était alors en âge de treize ans, tout le monde désirait la venue de Monsieur le Prince, croyant être à la fin de la guerre, mais ce fut bien le contraire, car Monsieur le Prince se fit payer les tailles par force et envoya grand nombre de cavaliers en Chalosse et même en Doazit demeurant deux jours et firent de grands dommages, et entr'autres allèrent de nuit voler la maison d'Espaunic, mais M. de Doazit de tout son pouvoir épargna fort Doazit, car autrement il s'y en fut fait beaucoup plus de maux, car M. de Doazit travailla fort pour Doazit.

Le commandant de Monseigneur le prince se tenait à Tartas et le receveur des tailles, et quand on manquait de porter les tailles à Tartas, ils envoyaient les cavaliers par les paroisses. La ville de Tartas se tenaient tous pour le prince.

Lesdits cavaliers de Monseigneur le Prince arrivèrent à Doazit en décembre 1651, et y furent retournés s’il n'y eût été M. de Doazit, lequel travailla fort pour Doazit. M. Justes, archiprêtre de Doazit, fit tirer un monitoire, disant que lesdits cavaliers l’avaient pris argent papiers et linge, et un cheval et autres meubles.

Lesdits cavaliers demeurant longtemps sur le pays fesant de grands ravages. En janvier 1652; M. de Poyanne alla avec ses cavaliers attaquer les cavaliers de M. le Prince, en la Lande, au lieu nommé d'Arengosse, et en tua 10 et en mena prisonniers 50 à Dax ; ce fut bien cause de plusieurs maux par depuis en Chalosse. A la fin de janvier 1652 la barrique de vin se vendait 12 liv., mesure de froment à 2 liv., blé 24 s., mesure de millet 20 s. L'on craignait beaucoup des gens de guerre, et dans ce temps il n'y avait point d'argent sur le pays. Pour lors l’argent d'Espagne était tout perdu et n'en fallait point payer, car tout était argent de France et pièces de 7 s. En mars 1652, mesure de froment valait 50 s., mesure de blé 40 s., barrique de vin 13 liv. Mais les gens de guerre fesaient toujours grand dommage. Monseigneur le Prince avait mis garnison à Tartas et à Mont-de-Marsan et à Grenade et fesaient toujours des courses, car le 19 de février 1652 les cavaliers de Tartas allaient à Singresse et firent plusieurs ravages, et même aux métayers de M. de Poyanne et portèrent tout à Tartas.

Le 21 dudit février 1652, M. de Poyanne s'alla présenter au Mont-de-Marsan, mais les gens de M. le Prince le firent retirer, et un de ses plus grands nommé M. de Rolly, y mourut.

Le 2 mars 1652, une compagnie de cabaliers de Monseigneur le Prince arrivèrent à Doazit et allèrent attaquer les gens de M. de Poyanne à Puyallé, et se battirent, et des plus grands de Monseigneur le Prince y demeura mort sur la place, devant le château de Puyallé, et les gens de Monseigneur le Prince s'en retournèrent droit à Grenade, du lieu d'où ils étaient venus, et en passant dînèrent à Doazit, sur le champ de Mariote près l'ou Commengé. Le capitaine se nommait M. Darricou, à Doazit, lui baillèrent 700 liv. sur la promesse qu'il leur fit de n'y retourner plus,  et le lendemain ils passérent le cavalier mort par Doazit et le portèrent à Grenade.

Sur la fin de mars 1652, lesdits cavaliers de M. le Prince se retirèrent tous vers Bordeaux, à cause que M. le comte d’Harcourt qui était pour le roi et fort puissant, arriva sur le pays ; lesdits cavaliers de M. le Prince se retirèrent.

Et pour lors M. de Doazit alla trouver ledit comte à Agen et y demeura dix-neuf jours, fesant pour le siège de Saint-Sever des compositions avec ledit comte qu’il ne viendrait point dans ledit siège de Saint-Sever avec ses gens, à condition que ledit siège de Saint-Sever lui baillera 45 mille livres.

A la fin du mois d’avril 1652, la barrique de vin valait 18 liv., mesure de froment 55 s., mesure de blé 40 s., mesure de millet 25 s. Alors à Doazit se fit grande quantité d’eau de vie ; en ce temps l’argent haussa, savoir le louis de 6 sols.

En juin 1652, le temps était fort humide et pluvieux, qu'a peine fit-on le millet. Le 11 juillet 1652, il fit grêle à Saint-Cricq et la pluie dura vingt-deux jours sans faire un beau jour. Alors le froment était presque coupé, par les champs, tellement que ladite pluie le gâta et le fit pourrir. Tellement qu'il n'y eut pas fort de froment, il ne valait pas guères, tellement que tout le monde criait la faim. Nous sommes à la grande faim ce qui ne manqua pas, car le grain haussa tout à coup. Mesure de froment valait 3 liv., mesure de blé 50 s., barrique de vin 18 liv.

A la fin de septembre 1652, mesure de froment valait 3 liv. 15 s., mesure de blé 3 liv. 2 s. A la vendange 1652, il y eut assez de vin, mais il y eut bien peu de millet, tellement que tout le monde criait la grande faim. Alors en Chalosse n'y avait point gens de guerre, loué soit Dieu. En novembre 1652, les cavaliers de M. de Poyanne vinrent en Chalosse et firent de grands ravages en Chalosse. Alors la mesure de froment valait 3 liv. 10 s., mesure de blé 3 liv., et le vin à bon compte, personne n'en achetait point. L'on fesait de l’eau-de-vie à Doazit et s'y brûlait grand vin de jour et de nuit. En décembre 1652, le temps était fort beau et le froment sorti par les champs, et sur la fin dudit décembre 1652, il arriva à Tartas un commandant de M. le Prince nommé M. Balthazar avec grand nombre de cavaliers, et d’abord qu’il fut à Tartas, il alla au Sabla de Dax mettre le feu à la maison de M. de Poyanne et fit de grands ravages et s'en retourna à Tartas, et se saisit aussi du château de Canna.

Et à la suite arriva M. de Candalle, fils de M. d'Epernon, avec fort grand nombre de gens fesant pour le roi, et se retira au Mont-de-Masan et à Saint-Sever.

Le 28 décembre 1652, M. de Doazit en compagnie de M. de Bonnaguet son fils, partit de Doazit pour aller rendre visite audit M. de Candalle, mais malheur fut pour eux, car, étant au bois de Mauco, ils furent pris prisonniers par un commandant de Balthazar nommé Lartot et les mena audit Tartas ; et au bout de six jours, M. de Doazit eut permission d’aller jusqu'à Doazit.

Les cavaliers de Balthazar font tous les jours des courses par toute part et font de grands ravages. Alors mesure froment valait 3 liv. 19 s., mesure de blé 3 liv. 4 s., millet 55 s., mesure d'avoine 2 liv., le quintal de foin 50 s. et n'y a point d'argent.

Le commencement de l'an 1653 est fort à craindre. Nous avons le grain fort cher, la mesure froment 3 liv. 15 s., mesure blé 3 liv. 4 s., mesure millet 2 liv. 15 s., mesure avoine 2 liv., le quintal de foin à 3 liv., et il ne se trouve point ni grain ni fourrage ; nous sommes à la grande faim.

Encore de plus ce que nous avons n'est pas nôtre; l’un dérobe le pain, l'autre la chair, l'autre les choux et d'autres meubles, l'autre le prend d'autorité ; il y a tant de voleurs, qu'il n'y a personne qui n'ose aller au marché, ni négocier les affaires à cause des voleurs et gens de guerre qui prennent tout.

A Saint-Sever, il y a grand nombre de gens de guerre qui mangent tout ce qui se trouve dans le siège ; ils sont gens à M. de Candalle.

A Tartas aussi grand nombre de gens de Balthazar qui font de grands ravages et menacent de perdre le pays et font plusieurs prisonniers, et entre autres était Monseigneur de Doazit, comme nous l'avons dit sur la fin de l'année passée. Mais encore lui ont fait la faveur de le laisser aller jusqu'à Doazit avec condition qu'il laisserait M. son fils à Tartas et qu'il retournerait dans huit jour. M. de Doazit arriva le vendredi troisième jour de janvier 1653 ; mais il ne demeura pas longtemps à Doazit, car, après qu’il eut parlé à sa famille et amis, s'en est allé en bon état, il se retourna rendre prisonnier audit Tartas et y fut le jeudi 9 de janvier 1653. MM. de la noblesse purent y admirer la grande franchise de Monsieur de Doazit. Et le peuple de Doazit dut avoir une grande douleur de Monseigneur de Doazit, car j'en ai eu en mon particulier un grand regret. Ledit Monseigneur de Doazit se va rendre prisonnier pour soulager la paroisse de Doazit, et sans comparaison il m'a fait souvenir la passion de mon Sauveur Jésus-Christ qui voulut mourir pour nous.

A Doazit particulièrement sont coutisés pour les gens qui sont à Saint-Sever, dans douze jours 1,200 liv. et me crains que nous sommes au commencement. Tout le monde crie la grande misère ; les pauvres viennent à tontes heures à grande troupe devant les portes demander du pain. O grande misère! celui qui a quelque chose n'ose pas demeurer en sa maison qu'avec grande crainte d'être prisonnier ou volé, mais il faut avoir recours au bon Dieu, et lui prier qu'il ait pitié de nous affin d'avoir le pain en France; mais si Dieu ne fait la grâce à M. de Doazit de retourner bientôt, Doazit est bien dangereux d'être ruiné car il n'y a plus de quoi vivre; il est vrai qu’en Doazit a encore du vin pas une pièce et quand viendrait un marchand pour en acheter et le vouloir faire tirer à Bayonne il serait impossible, car le quatrième jour de Pentecôte Balthazar fit prendre les bateaux d'Auribat et les a fait mener à Tartas.

Il s'y est fait encore d'autres rayages, car sur la fin de novembre de l'an 1652, les cavaliers de M. de Poyanne allèrent à Serresloux et firent de grands ravages et volèrent la maison de M. de Lacouture seigneur dudit Serrelonx, et menèrent ledit Lacouture prisonnier à Dax, après il avait retenu environ un mois et trouvé qu’il n'avait aucun tort, le mirent en liberté et se retira audit Serresloux, et tant d’autres ravages que les cavaliers font tous les jours.

Le 12 janvier 1653, les cavaliers de Monseigneur de Candale partirent un grand nombre de Saint-Sever pour se trouver à Saint-Justin où Balthazar se trouva aussi avec grand nombre de ses gens, tellement que le 11 dudit janvier ils se battirent; mais M. de Candale en eut du bon, car un commandant de Balthazar nommé Gaston y demeura mort sur la place, encore y demeura des gens de Balthazar morts et prisonniers jusqu'au nombre de trois cents.

Le 8 janvier 1653, les cavaliers de Balthazar allèrent à Nerbis et firent de grands ravages, et firent prisonnier un homme de Mugron nommé Lannefranc et le menèrent à Tartas, mais il fit composition avec 300 liv. qu'il leur bailla et se retira à Mugron.

Le 9 de janvier 1653, les cavaliers de M. de Poyanne en compagnie de plusieurs gens de Montfort allèrent au port du Nart pour garder que les gens de Balthazar ne passassent l'Adour ; mais ils furent surpris en telle façon que les gens de Balthazar en tuèrent trois et menèrent vingt-trois prisonniers à Tartas.

Le 14 janvier 1653, de nuit, M. de Lugat juge de Montaut a été pris prisonnier par les gens de Balthazar et mené à Tartas.

Le 16 janvier 1653, les cavaliers de Balthazar allèrent à Mugron pour voler et faire prisonniers ; mais ceux de Mugron se défendirent et en firent tomber un tout mort sur la place et un autre mourut en chemin et le portèrent mort à Tartas. Encore j'ai appris que M. le chevalier de Lassalle frère de Monseigneur de Mauyon, vieux seigneur de Montaut, était un chef de M. de Poyanne, a été tué par les gens de Balthazar à Magescq, le commencement de la présente année, lequel est fort regretté du pays.

Le 8 janvier 1653 la pluie a commencé en telle façon, que l'Adour est devenue un peu grande, en telle façon que les gens de Balthazar ne peuvent passer l'Adour à guai, ce qui a fort soulagé les maisons de deçà l'Adour.

Mais avec tout cela le peuple pâtit grandement, car il n'y a plus de grain ; il se vend encore au prix que nous avons dit et personne n'a point d'argent, et tout le fourrage que l'on peut avoir faut porter à Saint-Sever tous les jours; ou si on manque on envoie les cavaliers aux paroisses qui mangent tout ce qui s'y trouve. Les cavaliers de Balthazar ne s'arrêtent pas de faire des courses par les landes et vont jusqu'au Sablar (Dax), et font de grands ravages tellement que tout le monde fuit. A Montaut ont quitté tous et remuent tous les meubles; les uns sont réfugiés à Hagetmau et d’autres dans d’autres endroits aux environs tellement que la misère est si grande que le pauvre monde n’en peut plus. Il n'y a plus de marches aux lieux accoutumés ; les chemins ne sont pas libres, tout le monde crie la grande misère. Ceux de Saint-Sever ne laissent pas de faire imposition tous les jours par les paroisses du siège pour nourrir les gens de Monseigneur de Candale qui sont à Saint-Sever et font aussi de grands ravages, tellement que le pauvre monde ne peut plus résister à fournir fourrage et ils n'ont plus de quoi vivre. Mesure de froment vaut 3 liv. 15 s., mesure de blé 3 liv. 2 s., mesure de millet 55 s., barrique de vin 15 liv., et il ne s'y trouve plus de grain. Tout le monde est en grande nécessité. Les maîtres de famille sont contraints d'abandonner une partie des métayers et bailets à cause qu'ils n'ont pas de quoi les nourrir. Tout cela est réduit à mendier le pain, mais personne n'en a pour leur en donner.

O grande misère ! je veux encore parler du baillant M. de Doazit qui est allé se rendre prisonnier comme nous avons dit, et demeura à Tartas huit jours, et après il se retira à Doazit et laissa M. de Bonnaguet son fils encore à Tartas. C'était le 10 janvier 1653 qu'il arriva à Doazit, mais il n'arrêta pas longtemps à Doazit, car il travaille fort, non pour son intérêt, mais pour tout le siège de Saint-Sever, afin d'en faire sortir les gens de justice de guerre, et c'était l'homme seul qui travaillât de tout son pouvoir pour tout le peuple et allait tantôt à Saint-Sever et aussi à Dax parler à M. de Poyanne, et au Mont-de-Marsan parler à M. de Trasy pour remédier aux grands désordres du pays.

Si je voulais mettre tout ce qui est fait et passé, tout ce qui s'est passé de ces ravages de guerre et d'autres bouleries qui fut fait en ce mois de janvier, je ne pense pas trouver assez de papier ; c'est donc assez pour ce mois de janvier qui a été très mauvais. Le 1er février 1653 à Montaut, arriva un grand nombre de cavaliers de ceux de M. de Candale, mais à cause que tout Montaut avait quitté et vidé, les cavaliers ne trouvèrent ni foin, ni avoine, ni rien pour manger ; ils firent de grands ravages aux meubles et à tout ce qu'ils trouvaient, et au bout de deux jours ils allèrent les uns à Saint-Sever, les autres à Mugron, et une partie se retirèrent à Gaujacq, et menèrent M. de Moringlane de Montaut et un son métayer prisonnier, à cause que ledit Moringlane était accusé qu'il avait indiqué M. de Lugat aux gens de Balthazar qui le tiennent prisonnier à Tartas depuis quelques jours, comme nous l’avons dit ci-dessus.

Les cavaliers de Balthazar vont tous les jours faire des courses par la lande voler tout ce qu'ils trouvent, et entre autres sont allés voler le château de Castillon et ont porté tout à Tartas et fait d'autres ravages qu'ils font tous les jours par tout le pays de la lande jusqu'à Dax.

Environ le 8 février 1653, une partie des gens de Saint-Sever se sont retiré, ce qui fut cause que ledit siége de Saint-Sever fut un peu soulagé, mais je crois que ce fut par l'entremise de M. de Doazit.

Le 16 février 1653, ledit M. de Bonnaguet eut congé de Balthazar, il s'en vint à Doazit et fut fort bien reçu à la grande joie de ceux de Doazit. Je ne puis arrêter de parler toujours du noble et vaillant Monseigneur de Doazit, parce qu'il travaille toujours pour tout le peuple, et c'est l'homme seul qui hasarde sa peine et sa vie pour tout le pays; car le 17 de février 1653, sans avoir égard au mauvais temps ni aux mauvaises rencontres qui lui put arriver en chemin, il est parti devers Agen pour parler à M. de Candale afin de soulager le pays et mettre ordre aux grandes misères que le pauvre peuple souffre, cause des grands ravages qui se font tous les jours par les gens de guerre.

Il y a encore d'autres voleurs dans le pays qui sont cachés, qui font grand dommage de jour et de nuit, tellement qu'il n’y a plus moyen de vivre. Nous sommes à la grande faim et réduits à la grande misère, il n’y a plus rien pour manger ; car si un homme va au marché avec de l’argent, il est dangereux d’être volé, et s’il a un bon cheval ou un bon habit, on lui ôtera, et s’il fait porter du grain, ou d’autres marchandises, on lui prend tout et encore est-il dangereux d’y perdre sa vie, et celui qui a quelque chose en sa maison ne l’a pas assuré ; s’il a une bonne maison, il y a toujours quatre-vingt-dix pauvres devant la porte demandant le pain.

Les gens de Balthazar sont allés voler le château de Castillon et la lande et ont tout porté à Tartas ; et le 27 de février 1653, les cavaliers de Balthazar sont allés à Grenade et ont tué quatre hommes et mis le feu à quelques maisons et pillé tout ce qu'ils ont trouvé et ont porté tout à Tartas en leur garnison. Sur la fin de février 1653, il est arrivé à Dax un homme nommé le chevalier d’Aubeterre qui est commandant de M. de Candale, lequel est assez courageux contre Balthazar et a fort belle compagnie de cavaliers. Il est venu au secours de M. de Poyanne, au contre du cruel et tyran Balthazar, et on dit qu'il est aussi puissant et davantage que Balthazar.

Le 1er de mars 1653, les cavaliers de Balthazar allèrent à Lamothe et ont mis le feu au château de Lamothe, et ont pris tout ce qu'ils ont trouvé de bon et s'en sont allés diner à Cauna, et après ils ont passé l'Adour au lieu nommé lou Goua de Laguilloun à Gua et allèrent droit au Cazeliou et par le grand chemin jusques auprès de l'espitaoü de Mugron, et là étant se birent droit à la lande de Mounon et droit à Soube, et sont descendus en bas près l'Adour sur une plane de champ près du moulin de Castelmerlon. Ceux de Mugron et de Nervis les suivirent, et d'autre part les gens de M. de Poyanne et d'Aubeterre se rencontrèrent et là fut faist bataille et y mourut de ceux de Mugron et de Nerbis trois ou quatre, entr’autres y demeura mort sur la place un commandant de M. de Poyanne, fils de Monfort, nommé Lanoyaa, lequel ne fut pas fort regrette des paroissiens de Chalosse, à cause des grands ravages et voleries qu’il y avait fait auparavant.

En cette bataille en y mourut un grand nombre de gens de Balthazar, mais je n'ai point pu savoir à cause que les gens de Balthazar s'emportèrent leurs morts à Tartas.

Audit Balthazar y demeura un fort bon cheval que l'on lui a pris; on m'a dit que Balthazar avait donné nom à ce cheval Demi-Diable.

Ledit Monseigneur de Doazit a demeuré dix jours en son voyage d'Agen, mais il n'a pas pu encore obtenir le logement des gens de guerre à cause qu'ils demandent trop grande somme d'argent. Le monde est si pauvre qu'il ne peut plus résister aux grandes impositions qui se font tous les jours par toutes les paroisses du siège de Saint-Sever. La ville de Saint-Sever, pour la dépense qu'ils ont fait aux gens de guerre, demande grande somme d'argent, tant que la paroisse de Doazit y a de son particulier 1,440 liv.; mais il est impossible de trouver tant d'argent à cause de la grande pauvreté qui est dans tout le pays. La disette est si grande que tout le monde pâtit et font fort ravages de guerre. Mesure de froment vaut 4 liv. 10 s., mesure de blé 3 liv. 8 s., mesure de millet 3 liv. 2 s., la barrique de vin à 14 liv. La pauvreté est si grande que dans le diocèse d'Aire a été promis de manger de la chair en temps de Carême, excepté le mercredi, vendredi et samedi. Toutes les paroisses sont ravagées excepté les terres de Monseigneur de Gramont qui n'y a point eu logement; mais ils payent imposition aussi bien que les autres paroisses et partout le pays a grande pauvreté. Il y a une garnison à Mugron, et une autre à Saint-Sever, et une autre à Gaujacq ; il faut que les paroisses du siège de Saint-Sever entretiennent toutes ces garnisons et se font bien payer à leur discussions (discrétion), et si les paroisses manquent au payement au jour qu'ils mandent, ils s'en y vont les ruiner tout à fait; il y a encore d'autres garnisons lesquelles s’entretiennent par les habitants de ce lieu, comme est à Hagetmau, à Doazit, à Nerbis, à Poyalé. La misère est st grande, qu'il y a déjà plusieurs personnes de mortes à cause de la grande faim, mais si l'on pouvait avoir la paix le monde serait un peu soulagé.

Ledit Balthazar est si puissant et si cruel que tout le monde le craint; il est allemand et non point noble, sinon pour ses armes ; il n'a point aucune religion de bonne. On dit qu'il est magicien; il ne parle jamais familièrement à personne, mais parle toujours de tuer et de pendre; il est un grand homme fort farouche et a environ quarante-cinq ans à ce qu'on m'a dit. Ledit Balthazar ne cesse de faire tous les maux incroyables, car tous les jours il fait des prisonniers et de grands ravages, tant en la lande que par deçà l'Adour et tout le monde le redoute fort. Il me serait impossible d'écrire tous les grands ravages que les gens de Balthazar font tous les jours, car il est le plus cruel qui fut venu en ce pays depuis quatre-vingts ans, et d’autre part les autres garnisons de M. de Candale qui sont en plusieurs lieux comme nous avons dit, nous ruinent tout à fait, tellement que nous sommes réduits à la grande misère. Mesure de froment vaut 4 liv 15 s., mesure de blé 3 liv. 10 s., mesure de millet 3 liv. 4 s., barrique de vin 15 liv. rendu à Lahosse, car on ne peut passer le vin par autre chemin à cause des gens de guerre

Le 9 mars 1653, Balthazar a fait partir une compagnie de ses cavaliers et les a envoyés à Grenade, mais M. le chevalier d'Aubeterre avec ses gens s'en est parti le lendemain devers Grenade, et là étant ont fait quitter la place aux gens de Balthazar, et en ont pris une partie de ceux de Balthazar, et les autres gens de Balthazar s'en sont retournés à Tartas au lieu de leur retraite.

Le 12 mars 1653, les cavaliers de M. d'Aubeterre sont arrivés à Montaut venant de Grenade, mais à cause que ceux de Montaut avaient quitté et vidé tout, ne trouvèrent rien pour manger. Ce qui fut cause qu'ils ont fait grand dommages aux meubles et à ce qu'ils ont trouvé, et ont tué deux hommes et en ont battu d'autres, et après y avoir demeuré deux jours se retirèrent à Dax et font de grands ravages en passant.

Environ 15 mars 1653, il est arrivé, par la grâce de Dieu, du côté de Bayonne une grande abondance de grain, ce qui a été cause qu’il a un peu rabaissé. En ce temps le froment était fort beau en Chalosse, c'est-à-dire par la campagne, et on espère qu'avec l'aide de Dieu on recouvrera le bon temps, après que la cueillette sera faite si Dieu nous fait la grâce de chasser les gens de guerre de ce pays.

Mais il est impossible à présent de payer la grande imposition et coùtise qui sont imposées par toutes les paroisses du siège de Saint-Sever, et je crois que aux autres siéges n'en sont pas de moins. Il y a beaucoup de paroisses qui sont tout à fait ruinées et ravagées. Mais à Doazit, grâces à Dieu et à Monseigneur de Doazit n'a point eu aucun logement du tout cet hiver ; c'est pourquoi les habitants de Doazit ont bien occasion de remercier M. de Doazit.

Le 17 mars 1653, les cavaliers de M. de Poyanne et ceux de M. d'Aubeterre firent rencontre avec les gens de Balthazar, de la l'Adour sur la lande dou Cauteré et là se battirent, et là mourut un commandant de Balthazar nommé Faget fils de Salis ; et ledit jour les gens de M. de Poyanne et d’Aubeterre se retirèrent à Montaut.

Le 17 mars 1653, les cavaliers de M. de Poyanne et d'Aubeterre se retirèrent à Montaut et y demeurèrent une nuit et après se retirèrent les uns à Gaujac et d'autres à Ségarret, et une compagnie s'en allèrent à Saut de Navailles; ils étaient environ soixante cavaliers bien montés et passèrent chez nous à Peboué et nous firent ravage, savoir : une paire de bottes avec des éperons, deux paires de souliers, 4 liv. argent, trois agneaux et trois poules; ils amenaient une vache je ne sais où ils l'avaient prise, elle ne pouvait plus marcher, ce qui fut cause que lesdits cavaliers la tuèrent devant notre porte, et la chair de ladite vache fut partie aux pauvres. D'autres cavaliers passèrent à Labeyrie et La Hibade et firent aussi grands ravages partout où ils passaient.

Le cruel Balthazar ne s'arrête jamais de faire tous les maux incroyables et même dans Tartas, il a pris les plus grands et les a fait rançonner à sa volonté, leur accusant qu'ils sont du contraire parti.

Le 20 mars 1653, Balthazar a pris deux fils de M. (de) Vidart et les a menacés de les faire mourir jusqu'à ce qu’on lui eut baillé 5,000 liv. de rançon, et ledit Balthazar est le plus cruel qui se fut parlé.

Le 22 mars 1653, les cavaliers de Balthazar allèrent jusques auprès de Dax et tuèrent deux ou trois hommes et en firent des prisonniers de ceux qui allaient au marché de Dax jusqu'au nombre de 130 hommes et les menèrent à Tartas, et Balthazar les traite fort cruellement et fait défense que personne ne leur parle de composition, à peine de perdre la vie. Ne vous étonnez pas si je vous dis que Balthazar est tant cruel, car si vous parlez à un de ceux qui sont bien informés de lui, il vous dira qu'il est bien plus méchant que je ne saurais dire, car en ces prisonniers qu'il a pris auprès Dax entr’autres, il y en est mort un depuis avoir payé son rançon. Ces prisonniers disent qu'il vaudrait mieux être en purgatoire.

On dit que Balthazar n'a plus que 5,000 hommes tant à cheval qu'a pied, mais il est fort redouté, tant que tout le monde fuit de la grande peur qu'ils ont. M. de Poyanne et M. d'Aubeterre ont beaucoup plus de gens que lui, mais ils n'osent point l'attaquer ni l'attendre. M. de Vidart de Tartas s'est réfugié au château de Doazit, de peur d'être prisonnier de Balthazar qui le menace fort.

Le 27 mars 1653, M. d'Aubeterre ayant été averti que M. de Vidart était à Doazit, il envoya trente-cinq de ses cavaliers au château de Doazit parce que M. de Vidart était de Tartas. M. d'Aubeterre disait qu'il était du contraire parti, c'était le jour du Convan du Mus alors que M. de Doazit dînait au Mus avec les autres confrères, et les autres cavaliers étaient au château demander Monseigneur de Doazit, et six de ces cavaliers sont venus au Mus, et M de Doazit croyant que ce fut des gens de Balthazar se cacha et lesdits cavaliers s'emmenèrent M. de Vidart à Saint-Sever, mais Monseigneur de Doazit les suivit et s'emmena M. de Vidart. Je vous assure que ceux de Doazit croyaient que ce fut gens de Balthazar, eurent une grande peur et tout le monde fuyait et se cachait dans les buissons; mais ces cavaliers de M. d'Aubeterre n'ont point fait aucun mal à Doazit ni en chemin, et tout incontinent les nouvelles allèrent à Hagetmau ; là on avait une garnison que M. de Gramont y avait ordonnée, et le même heure les cavaliers dudit Haget allèrent au château de Doazit pour donner secours à M. de Doazit, croyant que ce fut les gens de Balthazar ; offrirent leurs services à M. de Doazit et se retirèrent audit Hayet.

Le 27 mars 1653, les cavaliers de Balthazar allèrent à Hinx mettre le feu à quelques maisons et ont fait de grands ravages et prisonniers et ont mené le tout à Tartas.

Le 29 mars 1653, Balthazar manda à M. de Doazit qu’il se retirât à Tartas ou qu’il l’irait quérir prisonnier avec tous les bons maîtres de famille de Doazit, et le ferait mettre en prison à Tartas et qu’il s’en prendrait aux cautions ; mais M. de Doazit n’y est point allé, ladite caution étant M. de Bidart.

Ceux qui sont sortis des prisons de Balthazar disaient qu’ils ont été au purgatoire. La plupart des bons paysans n’osent dormir en leurs maisons de la grande peur qu’ils ont à Balthazar.

Les cavaliers de Gaugeac et les autres garnisons passent tous les jours et font de grands ravages, et vident les moulins et les maisons, et prennent les moutons et agneaux par la lande et tout ce qu’ils trouvent, tellement qu’il n’y a personne qui ose apporter de l’argent ni tenir rien dans les maisons, car ces gens n’ont aucune pitié de personne. Nous sommes à la grande misère ; les pauvres meurent tous les jours de peur et de faim.

Les cavaliers de M. d’Aubeterre passent aussi tous les jours et emportent tout ce qu’ils trouvent. Les impositions sont si grandes que le monde n’en peut plus, et la plupart du monde sont réduits à mendier.

La mesure de froment vaut 4 liv. 5 s., mesure de blé 3 liv. 5 s., mesure de millet 3 liv., barrique de vin 14 liv. Il s’y trouve du grain à vendre parce qu’ à Bayonne en est arrivé grande quantité, mais il n’y a point d’argent pour en acheter. Balthazar fait toujours des courses et ne se passe pas un jour que ses cavaliers ne fassent de grands ravages.

Le 6 du mois d’avril 1653, les cavaliers de Balthazar allèrent jusqu’au cap du Pouy de Saint-Sever et prendirent deux charrettes de blé et les portèrent au château de Cauna, parce que ledit Cauna se tient pour Balthazar.

Le 7 avril 1653, les cavaliers de Balthazar allèrent au Greil prendre le nombre de vingt-cinq têtes de bétail et le menèrent à Tartas et à Cauna.

Ledit Balthazar fait couper le blé par le lande et le fait donner à ses chevals ; et ce qui est bien grande pitié, il n’y a plus moyen de résister aux grands dommages qu’il fait tous les jours.

Balthazar a taxé toutes les paroisses de la lande à sa boulounté et les curés particulièrement, et se fait bien payer.

Ledit 7 avril 1653, à Serresloux est arrivé un grand nombre de cavaliers des ceux de M. de Poyanne et de M. d’Aubeterre, et y ont demeuré quatre jours tellement qu’ils n’y ont rien laissé. Ces cavaliers étaient maîtres audit Serresloux, car toutes les garnisons avaient quitté et d’autant qu’ils n’y ont trouvé de quoi vivre, ils sont allés voler au Biélé du Mus, et en Hagetmau et à Segarret ; et au Biélé de Marquebielle ; et ils sont allés jusqu’à Bedoura et à Cot et Sallebat et y ont fait de grands ravages ; sont aussi allés à Lahibade et y ont pris dix agneaux et un gros pain et d’autres meubles, et sont aussi allés vider le moulin de Hescaux, tellement qu’ils ont fait de grands ravages et ont porté tout à Serresloux.

Le 8 avril 1653, M. d’Aubeterre avec ses cavaliers alla à Cauna, et là étant a pris un grand nombre de gens et chevals de ceux de Balthazar et amenaient tout à Saint-Sever ; et lui est demeuré prisonnier un cavalier des siens, prisonnier qui est le fils de Saubaigné de Segarret de Saint-Cricq. Ledit Balthazar menace fort ceux de Doazit de les faire prisonniers et de les ruiner tout à fait à cause qu’il ne peut avoir en sa puissance M. de Doazit et M. de Vidart, et qu’il ne peut pas avoir tous les grands rançons qu’il demande.

Le 10 avril 653, arriva à Saint-Cricq, un régiment de guerre à pied du nombre environ trois cent quarante hommes qui étaient Irlandais ; ils avaient la route à Montaut, mais à cause que le Lous était fort grand, ils logèrent audit Saint-Cricq. Ce régiment était à Monseigneur le Prince qui allait en Espagne pour faire guerre au roi de France. Mais M. le comte de Toulonjeon les a pris à Bayonne et les a envoyés en Chalosse. Ils partirent de Saint-Cricq le 11 avril 1653, jour du Vendredi-Saint, et passèrent à Doazit et achetèrent tous les pains qui s'y trouva à vendre, mais on n'entendait point leur langage et s'en allèrent à Montant ; et deux jours après, jour de Pàques, ils allèrent dix ou douze à Doazit acheter du pain à cause qu'ils n'avaient trouvé rien à Montaut, et le 14 dudit avril lesdits Irlandais mandèrent à ceux de Doazit qu'ils leur envoyassent de quoi vivre ou autrement ils s'en iraient tous à Doazit, à cause qu'ils ne trouvent rien à Montaut, car tout Montaut avait quitté, et le 15 dudit avril 1653, à Doazit on porta grande quantité de pain auxdits Irlandais à Montaut, et aussi deux moutons, et ceux de Doazit pour leur désintéressement ont pris à ceux de Montaut quantité de bétail et autres meubles que ceux de Montaut avaient réfugié à Doazit et entr'autres ont pris cinq têtes de bétail qui étaient de Galères et desquelles à Doazit en ont envoyé deux auxdits Irlandais mais à ceux qu'elles étaient maigres, ils ne les ont point voulues. Ce Galères les a retirées et les autres sont demeurées à Doazit ; et en ce dit bétail qui a demeuré à Doazit, il y avait un boeuf qui valait 50 liv., lesquels ceux de Doazit ont tué et mangé.

Le 14 avril 1653, M. d'Aubeterre a pris à Castillon (Château d'Arengosse) le nombre de quarante cavaliers de ceux de Balthazar.

Le 16 avri11653, à Serresloux est arrivé grand nombre de cavaliers de ceux de M. de Poyanne et ont tout ruiné tant à Serresloux que autres lieux circonvoisins aux environs, et les ont tout à fait perdus et ruinés à jamais. La misère est si grande en ce pays qu'il n’y a rien à manger et je crois que nous sommes au commencement et même crains que ce pays sera tout entièrement perdu. L'abondance du grain du côté de Bayonne continue toujours, grâces au bon Dieu, car autrement la plus grande partie du monde serait déjà mort. Mesure de froment vaut encore 4 liv. 4 s., mesure de blé 3 liv. 4 s., mesure de millet 59 s. et la barrique de vin 15 liv. en Doazit; mais encore qu’il y ait beaucoup de grain le pauvre monde pâtit grandement à cause que les gens de guerre en ont porté tout l'argent et les ont tout à fait ruiné. Le monde est tout à fait à la grande misère et pauvreté.

Le 23 avril 1653, les cavaliers de M. d'Aubeterre sont allés à Montaut quérir le régiment desdits Irlandais et les ont menés à Saint-Sever, alors que les cavaliers de M. d'Aubeterre sont allés audit Montaut, ont fait grande peur à ceux de Doazit, car tout le monde s’est mis en fuite croyant que ce fussent les gens de Balthazar qui allaient à Doazit. Ledit 23 avril 1653, lesdits cavaliers de M. d'Aubeterre en allant quérir lesdits Irlandais, firent rencontre de deux hommes de Montaut : l'un se nomme Cabiro et l'autre Laborde, tous deux fils de Montant, lesquels lesdits cavaliers de M. d'Aubeterre ont fait prisonniers, disant qu'ils étaient messagers pour lui bailler lesdits Irlandais et les ont mis en prison à Saint-Sever.

Le 4 mai 1653, lesdits Irlandais sont arrivés à Doazit et y ont demeuré deux jours aux dépens de ceux de Doazit, les ont baillé 55 liv. en argent comptant. En ces jours, les cavaliers de Balthazar sont allés au chemin de Saint-Sever et ont pris grande quantité de blé à ceux qui le portaient à Saint-Sever et l'ont porté tout à Tartas.

Le 7 mai 1653, à Hagetmau, s'y est fait une grande assemblée de la noblesse pour arrêter ce qu'ils feraient avec Balthazar. Le même jour ils s'assemblèrent à Doazit sur la lande de Meylis et burent une barrique vin à Peguiraout. Ledit 7 mai 1653, les cavaliers de M. d'Aubeterre venant de ladite assemblée de Meylis, passèrent à Toulouzette et firent rencontre d'un grand nombre de cavaliers de ceux de Balthazar qui faisaient ravage à Toulouzette, desquels les gens de M. d'Aubeterre en tuèrent une partie et firent prisonniers les autres et les menèrent en prison à Saint-Sever. Ledit (7) mai 1653, les cavaliers de Balthazar sont allés à Doazit et ont mis le feu à la maison de Galipau et ont fait de grands ravages dans ladite maison ; ils ont rompu meubles et pris bétail tant que tout le dommage vaut de 1,000 liv. en ladite maison. On fit aussi de grands ravages au boisinage de la Coste, d’Aulès et à la maison du Puts et en Banaous, et en Montaut, et s’en ont mené des personnes prisonniers, tant de Doazit que Banous et Montaut, douze hommes ; et entr’autres ont pris deux prêtres de Doazit savoir : maître Ramond de Justes archiprêtre, et M. de Cès ; ont aussi pris environ cinquante ou soixante têtes de bœufs et vaches et menaient tout à Tartas. Mais ledit M. l’archiprêtre a été maltraité par lesdits cavaliers, et ont maltraité une femme à Gallipau.

Le 11 mai 1653, il a grelé en plusieurs endroits savoir : à Momuy et Haget et en plusieurs autres paroisses et aussi en une partie du Béarn qui a fait un grand dommage aux vignes et au froment et est aussi tombée en plusieurs lieux jusqu'auprès d'Arzacq et une partie, en Tursan.

Le 12 mai 1655, les cavaliers de Gaujacq sont partis dudit Gaugeacq droit à Saint-Sever ; mais étant à Audignon, ils ont eu mandement de retourner à Gaugeacq, et en se retirant ils ont fait de grands ravages en Audignon, en Aulez et à Meylis et au Biélé du bourg et ont porté tout à Gaujac. Alors la barique de vin valait 16 liv., mesure de froment 3 liv. 10 s., mesure de blé 50 s., mesure de millet 45 sols.

Ledit Balthazar fait toujours des courses et prend tout ce qu'il trouve en homme et en bétail et grain et mène tout à Tartas. La plus grande partie du monde n'ose pas demeures en leur maison, et même Mademoiselle de Doazit s'est réfugiée à Orthez depuis le commencement de mai présent 1653. Et le 16 dudit mai, ladite demoiselle envoyait un saumon par un baylet au château de Doazit ; en passant à Brassempouy, un homme de Brassempouy lui ota ledit saumon, de quoi ledit M. de Doazit a été offensé et a mandé à ceux de Brassempouy de lui envoyer le voleur dudit saumon qui était Camescasse, lequel Camescasse ceux de Brassempouy ont mené à M. de Doazit pour en faire sa volonté.

Le 13 mai 1653, lesdits Irlandais passeront à Doazit et Larbey et s'en allerent à Saint-Aubin et Poyalé.

Le même jour de l'an 1653, à Doazit passa un régiment de cavalerie de ceux de M. d'Aubeterre, et allèrent tous loger à St-Aubin et Poyalé, et font toujours de grands ravages. Tout le monde croit qu'ils veulent assiéger Balthazar à Tartas. Alors la barrique de vin valait 20 liv., la mesure, de blé, à Dax, valait 42 s. Il y a une grande abondance de grain, du côté de Bayonne, grâces à Dieu, car autrement la pluspart du monde serait mort. Lesdits cavaliers et les Irlandais ont demeuré à St-Aubin et Poyalé trois jours, ou jusqu’au 22 mai 1652, ils ont fait de grands ravages et n’y ont rien laissé de ce qu’ils ont trouvé de bon, et s'en sont allés du côté de l'Adour, à Mugron, Souprosse, Nerbys et à Pouypatin, et à Toulouzette et en plusieurs autres lieux au long de l'Adour, mais ils viennent tous les jours faire de fort grands ravages, même en Doazit, à la coste d'Aulès et à Maylis ont fait de grands dommages ; ils n'assiègent pas encore Balthazar qui est toujours à Tartas.

Lesdits cavaliers de M. de Poyanne et M. d'Aubeterre demeurent auprès de l'Adour, comme nous l'avons dit, et font de grands ravages; et le 27 dudit mai 1653, ils allèrent faire ravages à Maylis et au Biélé du Bosc et entr'autres allèrent voler la maison noble de Labeyrie et y firent de grands dommages.

Le 28 mai 1653, lesdits cavaliers de M. d'Aubeterre allèrent piller dans plusieurs maisons de Doazit, et entr'autres allèrent à Espaunic, à Coudicane et à Péboué et à Lahibade, et firent partout de grands ravages et emportèrent tout ce qu'ils y ont trouvé de bon, tellement que nous sommes à la grande misère. Le peuple de ce pays a si grand peur des gens de guerre, qu'il n'ose tenir dans les maisons aucune chose bonne à manger, ni linge, ni grain.

Tous les jours, il faut remuer les lits et tout ce qui est dans les maisons, et les cacher dans le taillis, au lieu plus éloigné du passage, tellement que nous sommes à la grande misère et tout à fait ruinés.

Je ne puis penser ni connaître tant de maux pourquoi nous arrivent tout à un coup ; il me fait souvenir  les afflictions de Job qui lui arrivaient tout à un coup, mais ce bon Job était juste, et nous sommes, entre tous, grandement pécheurs, et je crois qu’à cause de nos grands pêchés Dieu envoie tant de maux et d’afflictions à un coup. O la grande misère ! O bon Dieu, puisqu'il vous plaît nous envoyer tant de maux et adversités en ce monde, faites-nous la grâce que nous puissions les porter patiemment, et qu'après cette vie nous puissions avoir repos en l'autre monde.

O glorieuse Vierge Marie ! Je m'adresse à vous comme étant la plus favoride de la cour céleste ; jamais personne qui vous ait réclamé n'a été esconduit. Mère de J.-C., je vous prie très humblement qu'il vous plaise intercéder pour tout le peuple qui tant pâtit.

Ledit 28 may 1653, tout le monde avait une grande peur, parce qu'il arriva une nouvelle disant que cette nuit tout Doazit serait pillé par des gens de guerre, tellement que tout le monde de Doazit demeurèrent cette nuit dehors, avec les lits et tous les meubles, et moi-même demeura cette nuit dedans un taillis que l'on nomme à la Marlère du Jounquas, et je gardais lesdits meubles et lits. Ez ladite nuit fit de grand tonnerre, et le matin environ le soleil levé fit grêle à Brassempouy, à St-Cricq, à Cerres, Haget et Horsarrieu, et autres endroits qui fit grand mal.

Le jour suivant, 29 mai 1653, les cavaliers de M. d'Aubeterre sont allés à Doazit et à Meylis et à St-Aubin et en plusieurs autres endroits ; ils ont fait de grands ravages, tellement qu'ils n'y laissent rien de ce qu'ils trouvent de bon. Il y a quatre ou cinq mille hommes, tant à cheval qu'à pied, tout le monde croit qu'ils veuillent assiéger Balthazar à Tartas, mais avant que de commencer ils ont ruiné tout le pays. Cassiet de Montaut, avait à Toulouzette 44 barriques de vin, lesdits cavaliers y ont tout pris. Le 30 dudit (mai) 1653, lesdits cavaliers s'en sont allés une partie delà l'Adour, et les autres s'en sont allés auprès de Dax.

Le 31 dudit mai 1653, les cavaliers de M. de Poyanne et de M. d'Aubeterre sont allés au chemin de Dax, sur la lande de Hinx, et ont vollé à ceux qui allaient au marché de Dax. Il y en avait de plusieurs paroisses, et même il y en avait de Doazit plusieurs, entr'autres y était mon neveu, l’aîne de Péboué, qui l’ont aussi volé et pris son poulain et les souliers des pieds et esperons et la bride de son cheval; tellement qu'ils ont volé ce jour là plus de 5,000 liv., et à Angoumeau, marchand de Doazit, ont pris douze barriques de vin qu'i1 avait à Hinx.

Le premier juin 1653, joue de Pentecôte et le lendemain; à l'église de Larbey, ne s'y est point célébré messe à cause que quelques personnes d'autorité avaient menacé de tuer M. le Curé de Larbey.

Le second jour de juin 1653, lesdits cavaliers de M. de Poyanne et de M. d’Aubeterre sont tous passés delà l’Adour.

Le 5 juin 1653, à Doazit sont assez menacés qu’un grand commandant de M. de Candalle, nommé le grand Maitre, s'en venait loger à Doazit; mais le noble et vaillant M. de Doazit a détourné le coup.

Cette nuit, à Doazit, ont tout vidé et quitté leur maison de grande peur qu'ils avaient. Le 6 dudit juin, les gens dudit M. le grand Maître sont arrivés a Montaut, et y ont demeuré une nuit, ils étaient 1,700 cavaliers, ils ont tout ruiné : Montant et les environs.

Le 8 juin 1653, les paroisses ont été mandées d'emmener de bonnes paires de boeufs pour aller tirer le canon qui était parti de Dax, qui venait par Goust pour aller assiéger Tartas et Canna. Doazit a fourni dix paires de boeufs, notre maison de Péboué en a fourni une paire, avec le bouvier qui se nomme Payhirat.

Le soir, 12 de juin 1653, ledit canon est arrivé à Saint-Sever avec toute l'armée, savoir : l'armée de M. le grand Maître et celle de M. d'Aubeterre et celle de M. de Poyanne et les Irlandais. Ils ne laissent rien aux environs où ils passent. Il y a environ dix mille hommes qui ruinent tout le pays. A une lieue de chemin d'où le canon passe, n'y demeure rien de bon.

Le 13 dudit juin 1653, toutes lesdites armées avec le canon sont parties de bon matin pour Saint-Sever et sont allées jusqu'auprès de Canna pour l'assiéger, mais étant à port du canon, M. d'Aubeterre y envoya pour les sommer, mais étant audit château de Cauna ils trouvèrent les portes ouvertes et n’y avait personne, mais s’étaient tous retirés à Tartas.

Sur la même heure, ladite armée et canon sont partis droit pour Saint Justin pour l'assiéger, qui tenait pour M. le Prince.

En partant de St-Sever, quelques capitaines et chefs de guerre demeurèrent derrière, lesquels les cavaliers de Balthazar rencontrèrent et les menèrent prisonniers à Tartas. Le même jour, 13 juin 1653, les cavaliers de Balthazar allèrent du Narp et s’en allèrent au port de Pontonx, où ils firent brûler deux bateaux sur le bord de la rivière, et prirent un grand nombre de bouviers qui portaient du vin ; ils le firent décharger le vin et firent passer à la nage les bouviers et boeufs, hormis qu'il se noya quelques bouviers, et ce qui resta fut conduit à Tartas.

Alors le temps était fort beau ; la barrique de vin valait 28 liv., mesure de blé 2 liv., et y avait bonne espérance de y avoir fruit, grâces à Dieu.

Le 14 dudit juin 1653, ladite armée et canons était arrivés du soir à Villenave, et là étant, ceux de Saint-Justin se rendirent à M. d’Aubeterre, et lui envoyèrent les clefs du fort de Saint-Justin.

Le même jour, 14 juin, lesdits bouviers de Doazit eurent congé de s'en venir, et le 15 dudit juin ledit Payhirat arriva à Péboué avec les boeufs en bonne disposition grâce à Dieu, lequel avait demeuré en tout le boyage l’espace de huit jours, et nous comptait plusieurs nouvelles des gens de guerre ; un homme nommé Lailheugue de Garros était toujours celui que M. de Doazit y avait envoyé conduire les bouviers lequel retourna aussi avec lesdits bouviers. Ledit 13 juin, Lartot commandant de Balthazar s’en retourna en garnison à Cauna. Ledit 15 juin, à St-Sever, arriva un régiment de M. de Ste-Mesmes, et se logea au faubourg de St-Sever et demandait au siège de St-Sever 20,000 liv. avant de partir dudit St-Sever ; mais il en alla bien autrement, vous entendrez ci-après. Le 16 dudit juin, ledit Lartot fut blessé auprès de l’Adour, je ne sais ce qui fit le coup. Ledit 16 juin, les cavaliers de Balthazar passèrent l'Adour au pont (goua) du Narp, et allèrent jusqu’à Gamarde et mirent le feu à quelques maisons, et firent de fort grands ravages et prisonniers.

Le 17 juin 1653, Balthazar en propre personne se leva de grand matin et passa l’Adour à Toulouzette, et arriva deux heures avant le jour à St-Sever et attaqua ledit regiment de M. de Ste-Mesmes, qui était à St-Sever, comme nous l'avons dit, en telle façon que Balthazar et ses gens en tuèrent environ trente et en firent plus de cinquante de prisonniers et les menèrent droit à Tartas ; mais ceux de St-Sever, auparavant que Balthazar ne fût arrivé, ils en eurent nouvelle et en grande hâte ils envoyèrent la nouvelle à M. d’Aubeterre qui était avec ses gens à St-Justin et à Villenave (Villeneuve de Marsan).

Ausiitôt que M. d’Aubeterre eut entendu l’affaire et que Balthazar passait l'Adour, il prend cinq cents cavaliers des meilleurs et s'en alla vitement à St-Sever. Mais ayant trouvé que Balthazar s'en était déjà parti, il fut fort doulent et il ne fit aucune demeure à St-Sever, mais suivit Balthazar et il l'attrappa au Greil ; mais le rusé Balthazar le vit de loin, lequel Balthazar se sauva en fuite avec cinquante cavaliers mais ledit M. d'Aubeterre attrapa le gros de l'armade qui menait les prisonniers, ce qu'ils avaient volé ce jour. Les prisonniers se mirent avec M. d'Aubeterre contre les gens à Balthazar, desquels ils tuèrent environ cinquante et firent des prisonniers cinquante-trois. Je crois que Balthazar fut bien étonné de cette prise. Le 18 dudit juin, tous les gens de guerre de M. d'Aubeterre sont arrivés St-Sever, et le lendemain, 19 dudit juin 1653, M. d'Aubeterre avec toute l'armée et le canon a posé le siège devant Cauna, en compagnie de dix mille hommes, tant à cheval qu'à pied. Le 30 dudit juin, nous entendimes aussi tirer sans cesse et nous eûmes nouvelle que les gens de M. d'Aubeterre étaient au pied du château de Cauna, et que les maçons et plusieurs pionniers travaillaient au pied de la tour sans s'arrêter pour la mettre bas.

Ledit 21 juin, les cavaliers de Balthazar allèrent au chemin (Dax) et pillèrent et volèrent tous ceux qu’ils trouvèrent qui allaient an marché de Dax, et avait un homme de Mugron nommé Michel Bladier. Le 22 dudit juin, il arriva nouvelle que le canon avait enfoncé les portes du château de Cauna et brisé le bout des tourelles, et qu'il n'avait fait aucun mal à la tour.

Le 23 dudit juin nous entendîmes tirer le canon sans cesser tout le jour, car il n'y a qu’une lieue de Doazit à Cauna.

Le 24 dudit Juin 1653, ledit Cauna a été pris par les gens de M. d'Aubeterre et de M. de Poyanne, et ce fut les gens de M. de Poyanne qui les premiers donnèrent l'assaut. Cela fut le jour de saint Jean que Cauna fut pris, et ledit M. d'Aubeterre y entra et fit prisonnier le commandant qui se nomme Lacroix. Dedans s'y est trouvé grande quantité de grain et de vin, de chair et pain.

Le 25 dudit juin, les cavaliers de Balthazar passèrent l'Adour, et allèrent à Mugron et à Montaut et firent de grands ravages et un nombre de prisonniers, entre’autres ont pris M. de Beyris de Mugron et le fils de M. d'Arblade et Cabirau juge de Montaut et Moringlane de Montaut, et tournés descendant, ils s'approchent de Lahosse et plusieurs autres et les menèrent à Tartas avant que les gens de M. d'Aubeterre le puissent savoir.

Alors la barrique de vin valait 30 liv., la mesure de blé valait à Dax 35 s., car à notre lieu n'en avait pas à vendre, car les marchés accoutumés étaient perdus à cause des gens de guerre, et on n'osait tirer rien par l'Adour et encore y avait danger par terre, et toujours s'y faisait grands ravages et voleries

Le 27 dudit juin 1653, ledit Lartot étant un commandant de Balthazar sortit de Tartas et s'en alla à St-Sever se rendre à M. d'Aubeterre, lui prie de lui priant de le bouloir sauber la bie ; ledit d'Auheterre lui a saubé la vie, avec promesse de ne porter jamais les armes, sinon au service du roi. Ledit Lartot est demeuré quelques jours dans le conban des pères capucins et puis s'est retiré ; je ne sais ou il est allé, mais il me semble qu'il lui fallait faire rendre compte des grands maux et bouleries qu'il a fait et fait faire au siège de St-Sever, car il est la cause que plusieurs personnes sont mortes, et même crains qu’il soit aussi la cause de la perte de plusieurs âmes et a causé la ruine de plusieurs maisons ; il est fils de Bascons.

Après que Cauna fut prins, toutes les armées de M. d'Aubeterre sont allées en les Landes, au siège de Tartas et y ont fait de grands ravages, jusques à mettre le feu aux mèdes (meules) et prins le bétail et ce qu'ils y ont troubé de bon et ont ruiné le pays. Le second de juillet 1653, Balthazar sortit de Tartas avec un nombre de cavaliers et alla attaquer les gens de M. d'Aubeterre et se battirent ; mais à la fin, M. d'Aubeterre en eut du bon, car il fit grand nombre de prisonniers à ceux de Balthazar, et ledit Balthazar fut blessé à la couisse.

Le 5 dudit juillet, les gens de Balthazar allèrent aux métairies de M. de Poyanne faire de grands ravages et prendèrent grand nombre de blé et portèrent tout à Tartas.

Le 8 dudit juillet 1653, les gens de M. d'Aubeterre sont encore dans les landes et font de grands ravages en le siège de Tartas et aussi en autres lieux. Alors le temps était fort beau, les froments étaient presque tous fauchés; y en avait assez de froment, mais à cause des gens de guerre il est encore bien cher, car la mesure de froment baut 3 lib., mesure de blé 2 liv., barrique de vin 30 liv. Les vignes étaient fort belles mais en plusieurs endroits ne sont point assez travaillées à cause des gens de guerre. Alors il y avait grande maladie et grande mortalité de gens.

Le 8 juillet, les cavaliers de Balthazar ont passé l'Adour et sont allés jusqu'aux faubourgs de Saint-Sever, et ont fait beaucoup de prisonniers entr’autres ez ont pris cinq de ceux de Saint-Sever et ont fait plusieurs autres ravages et ont tout conduit à Tartas.

Le 13 dudit juillet, Balthazar s'en est parti de Tartas avec cent cinquante de ses cavaliers et a prins le chemin devers de  Bourdeaux et a laissé encore garnison à Tartas

Le 15 dudit juillet, le Gabe d’Hourthèz est devenu fort grand, il est passé par dessus le pont d'Orthez et a fait de grands dommages au pont d'Orthez et aux maisons de la rue des Augustins ; il y avait aygue plus haut que la hauteur d’un homme, et on boyait passer les bros chargés de gerbes de froment capbat le Gabe. Il a rompu le bout du pont d'Orthez ; il est allé aussi haut comme il avait fait en l’an 1651, et à ce coup a fait plus grand dommage ; il est monté jusqu'au pourtal de Baure, cette fois-ci, tellement qu'il a fait fort grand dommage au froment qui estait au long du Gave, il demeura l'espace de vingt heures que aucun ne pouvait passer par dessus le pont d'Orthez.

Le 23 dudit juillet, les cavaliers de Tartas se battirent avec les gens de M. d'Aubeterre auprès de Tartas, et y en mourut plusieurs d’une part et d'autre et demeurèrent toujours dans les landes et ruinèrent entièrement tout ce pays.

Alors il y avait en ce pays grande maladie et y en mourut grande quantité de personnes, et entre autres au Martin y mourut six enfants en une semaine, et au bout de huit jours mourut le père desdits enfants ; il y avait jour qu'à Haget en y mourut sept ou huit, et la pauvreté était fort grande partout que le plus paubre de puble mourut de nécesssité.

Le 25 dudit juillet à Montaut est arribé une compagnie de cabaliers qui sont à M. de Poyanne et se sont barricadés à l'église de Brocas et font de grands rabages partout et entr'autres sont allés brûler la maison de Lestage de Larbey. Ils font tous les jours de grands ravages, car les gens de guerre et bouleurs prennent tout ce qu'ils troubent ; il n'y a point de justice, ils ont mangé la plupart de bétail. La terre demeurant sans labourer font que le pauvre monde périssent. Ces gens ont ainsi mangé les moutons et agneaux et chapons et poules, tellement qu'il ne s'y troube rien pour les pauvres malades. La paire de poulet vaut 50 s. et les oeufs 2 ardits la pièce. Le monde est perdu et tout à fait ruiné sans espérance, si non celle du bon Dieu auquel nous faut avoir recours. O bon Dieu! je sais bien que bous êtes tout-puissant et que rien ne bous est impossible; et c'est pourquoi je m'adresse à bous pour bous prier très humblement, mon bon Dieu, qu'il bous plaise avoir pitié de boustre paubre puble, et qu'il vous plaise de bos grâces vous envoyer la paix en France, et principalement ez pauvre pays de Chalosse.

En advenant le 26 juillet 1653, la nouvelle est arribée à Doazit que la ville de Bourdeaux s'est rendue à l’obéissance du roy, et que M. de Candalle y était dedans, ce qui est une bonne nouvelle. En les derniers jours dudit juillet, ledit Balthazar est arrivé à Tartas, lequel a porté la noubelle, assuré que ledit Bourdeaux s'était rendu et que la bille de Tartas était aussi comprinse dedans le traisté dudit Bourdos. Grâces au bon Dieu soit rendue ; grâces à Dieu !

Les cabaliers de M. d'Aubeterre ne cessent pas de faire de grands rabages en la lande et en le Maransin, et sont allés entre Dax et Bayonne et sont entrés dans les terres de M. de Gramont, mais les paysans du pays se sont levés et attaqués lesdits cavaliers de M. d'Aubeterre et en ont fait mourir quelques-uns desdits cavaliers.

La première semaine d'aoust 1653, on m'a assuré que Balthazar s'est rendu du côté du roy et M. de Candalle l'a fait son commandant ; et les quatre sièges ont promis à M. d'Aubeterre, et à M. de Poyanne, et à M. de Balthazar 40,000 écus; et sur cette condition ont fait partir les troupes, savoir celles de M. de Candalle, et de M. de Poyanne et de Balthazar s'en sont allées en Catalonne, et celles de M. d'Aubeterre s'en sont allées en Flandre ; mais M. d'Aubeterre et ledit Balthazar sont demeurés avec une partie de leurs gens pour prendre ladite somme de 40,000 écus, c'est qui est cause que le public est fort fatigué pour truber cette somme et ne bulent pas partir qu'ils n'ayent ladite partie.

Les maladies sont si dangereuses partout le pays qu’il est déjà mort grand nombre de personnes et principalement aux paroisses où les gens de guerre ont demeuré, et on m'a assuré qu'à Toulouzette n'y est demeuré que quatre hommes en vie, et à Mugron et à Nerbis en y est mort tous les jours grande quantité. A Hagetmau douze ou treize ou quatorze le jour ; à Dax y en est mort en un jour vingt- neuf. On m'a dit qu'au Mas-d'Aire sont presque tous morts, et en plusieurs autres lieux on y est encore mort davantage, tellement que la maladie et mortalité est grande par tout le pays que homme qui sont biban ne l’avait jamais bue si grande. Nous avons dit ci-devant que au Martin y est mort six enfants et à présent je bous dis qu'il est mort sept enfants, le père et la mère qui est en tout neuf personnes. En Doazit a aussi grande maladie et grande quantité de morts. Nous sommes attaqué de tous les trois fléaux, savoir : peste, guerre et famine, tellement que le pauvre monde est à la grande misère.

C'était au 15 août que cette maladie et mourt estait partout. Pour lors la mesure de froment balait 3 liv., mesure de blé 45 s., mesure aboine 20 s., la barrique de vin 30 Iiv., le bois de barrique 3 liv. Il y avait assez de froment; le millet était assez beau, mais les terres n'étant pas bien travaillées à cause de la paubreté et maladies, et mort, et gens de guerre, les bignes sont demeurées à travailler; les champs ne sont pas cultibés à cause de la grande pauvreté. Je me crains qu'il ne s'y troube pas de gens pour trabailler et assembler les fruits qui sont à présent sur la terre.

Environ le 26 d'aoust 1653, M. d'Aubeterre et Balthazar sont partis droit en haut, excepté deux compagnies de pied qui sont demeurées à Tartas pour quelques jours, mais il a bien coûté cher avant qu'ils ne sont pas partis, car il leur a fallu bailler tout l'argent qu'ils ont demandé, tellement que le pays est demeuré entièrement ruiné et misérable.

Lesdits gens de guerre ont laissé le pays empesté ; car sur la fin d'aoust 1653, le monde mourait à grand nombre. On m'a assuré qu'à Pontonx y en est mort en un jour vingt-six, et un autre jour à Mugron et à Nerbis, vingt-sept, et à Saint-Sever y est la peste, et aussi en plusieurs autres endroits où les gens de guerre ont demeuré et en y meurt grande quantité de mort subite, tellement qu'il y a grande mortalité de gens partout. La paubreté est si grande, que le paubre puble n'ont de quoi se traiter, et c'est pourquoi la mortalité est si grande. C'était sur la lin d'aoust 1653, alors la barrique de vin valait 32 liv., mesure de froment 3 liv., mesure de blé 45 s., bois de barrique 3 liv., paire de chapons 3 liv., paire de poules 50 s., paire de pigeons 20 s., paire de poulets 16 s., les oeufs à 2 ardits la pièce. En ce temps, le temps était pluyous car il plabait toujours, les terres ne se labouraient pas tant à cause du temps que de la pauvreté du puble qui sont morts ou malades, et les gens de guerre ont mangé les bœufs et les vaches, et s'en ont porté tout ce qu'ils ont troubé de bon. Estan au commencement du mois de septembre 1653, la mortalité et maladie est plus grande que jamais; on m'a assuré qu'en la ville d'Agen en est mort six mille en peu de temps. On m’a aussi dit que en Condoumois y en est mort en grande quantité, en telle façon qu'il y est demeuré biens de bacans qui n'ont pas aucun héritier et ballent de huit millions ou davantage.

Comme aussi en ce pays de Chalosse il en y est mort en deux jours quarante à Montaut et à Saint-Aubin. Y en a toujours eu grandes troupes de morts, tellement que les biens demeuraient à travailler, et une grande partie du peuple sont mourts à cause qu'ils n'ont pas de quoi se sustancer. La misère est grande ; la guerre a tout mangé.

Au 15 septembre 1653; la mort et maladie du puble continuent plus grande que jamais.

Alors les gens de guerre s'en sont tous allés, tous au pays de haut, grâces à Dieu; mais ils en ont porté tout l'argent que tout le paubre peuble a pu trouver ; mais là où il y a eu logement de gens de guerre est 1a grande misère, car ils en ont pourté le grain, meubles, linge, besselle et tout ce qu'ils ont troubé dans les maisons, et cela a été par toutes les paroisses, excepté les terres de M. de Gramond qui n'y a point eu aucun logement, mais ils ont eu coutises aussi bien comme les autres paroisses. La paroisse de Saint-Cricq aussi n'a point eu aucun logement, parce que M. de Poudenx seigneur dudit Saint-Cricq est fort puissant et a grande créance ; qu'il les a toujours espargnés, mais avec tout cela Saint-Cricq est un paubre lieu.

 

Le récit se poursuit mais ne concerne plus la période durant laquelle Balthazar a sévit dans la région. La reproduction du texte est donc pour le moment suspendue, mais vous pouvez en poursuivre la lecture en téléchargeant le fichier "Peboue.pdf".

Mise à jour le Mercredi, 09 Juin 2010 19:41